La mémoire du goût


Tu le sais que trop bien, cher Ami, la madeleine et moi c'est une histoire d'Amour à faire pâlir ta voisine ; une madeleine, au zeste d'orange, avec ce parfum d'un matin de Noël. Celle que tu trempes dans un chocolat à l'ancienne…
Mais dis-donc, un instant! Comment ça marche la mémoire du goût ?
Tes choix, tes goûts sont dictés par tes expériences alimentaires passées. Outre les notions physiologiques, psychologiques, socioculturelles et économiques, il faut intégrer la notion "d'image sensorielle". Pour faire court, quand tu manges, ton cerveau récupère une foule d'info (perceptions sensorielles: mécaniques, physiologiques et hormonales) formant une "image sensorielle", qui est mémorisée pour orientée tes choix futurs.
Lorsque tu consommes un aliment, ta mémoire "donne du sens" à l'information sensorielle brute transmise par tes 5 sens : elle permet la reconnaissance de l'aliment en se souvenant de tes expériences antérieures (via « l'image sensorielle ») avec le même aliment ou un aliment similaire, contribuant ainsi à l'élaboration de la perception. C'est donc ta mémoire qui influence ta perception et ton appréciation d'un aliment, en générant, avant la consommation, un état d'attente (désir, voire fantasme, ou malaise, voire angoisse).
Pour mémoriser tes expériences antérieures, tu as disposé de 2 systèmes mnésiques : la mémoire épisodique et la mémoire sémantique.
  • La mémoire épisodique stocke les souvenirs autobiographiques ; par exemple « les huîtres que tu as mangées il y a deux ans dans un restaurant t'ont rendu malade ».
  • La mémoire sémantique, quant à elle, stocke les connaissances générales; par exemple « les huîtres sont des fruits de mer, à la saveur salée et se mangent en général crues ».
Et la madeleine ?
C'est au niveau du fonctionnement des mémoires sensorielles et de leur impact sur le comportement que ça se passe. Tout est là ! Ta mémoire te rappellerait, implicitement et de façon non-verbale, tes expériences passées associées aux aliments. Essentiel à ta survie en milieu urbain : ça t'a rendu malade, évite ! mais si ça t'a procuré un plaisir proche de la jouissance, reprends-en une bouchée ! jusqu'à en être rassasié.
Du coup, l'état d'attente généré peut être hédonique (tu t'attends à ne pas aimer les huîtres car, par le passé, tu as été malade) et/ou sensoriel (je m'attends toujours à ce que ma madeleine ait le goût d'un matin de Noël, parce que, par le passé, ça a toujours été le cas).
Une madeleine, y'a que ça qui remonte mon moral.

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